Professeur Patrick MISSIKA
Chirurgien-Dentiste à Paris 15ème

Chirurgie buccale Paris 1er - Pr Missika

Des premiers pas de la mise en charge immédiate à la chirurgie guidée

Aspects médico légaux


 

Patrick MISSIKA
MCU – PH Université de Paris 7 Garancière
Professeur Associé Tufts University Boston
Expert près la Cour d’Appel de Paris
Expert National agréé par la Cour de Cassation


 

En préambule il convient de souligner que l’implantologie n’est pas reconnue comme une spécialité en France.

Le traitement implantaire s’inscrit donc dans le cadre général du traitement chirurgical et prothétique avec cependant une exception qui concerne pour certaines compagnies d’assurances une assurance complémentaire spécifique.

Il est donc prudent pour le praticien de vérifier auprès de son assurance qu’il est bien assuré pour la pratique implantaire, même s’il ne réalise que la partie prothétique du traitement.

Le premier point qui paraît peut-être évident est que le traitement implantaire est essentiellement un traitement prothétique et donc que la démarche doit être axée sur ce traitement.

Cette démarche doit associer :

  1. Une consultation et un entretien permettant de déterminer les besoins et les souhaits des patients ainsi que leur état de santé général qui pourrait constituer une contre indication aux implants.
  2. Un examen clinique pour appréhender les facteurs liés à l’édentement, à l’état des dents bordant l’édentement en cas d’édentement partiel, à l’espace inter arcade, au volume osseux palpable, à l’hygiène buccale etc…
  3. La réalisation d’ empreintes et de modèles d’étude permettant de réaliser une cire ajoutée de diagnostic, (wax-up) ou un montage directeur, puis un guide radiologique. Ce guide sera porté par le patient pendant les différents examens d’imagerie, panoramique, téléradiographie ou scanner.
  4. Muni de l’ensemble de ces éléments, le praticien pourra établir son plan de traitement implantaire et établir un devis. Il peut également utiliser un logiciel de simulation implantaire permettant de visualiser sur écran informatique la position souhaitée des implants, leur axe d’insertion et leurs longueur et diamètre en fonction des impératifs anatomiques et prothétiques.
  5. Les autres possibilités thérapeutiques devront être expliquées au patient avec leurs avantages et leurs inconvénients.
  6. Un temps de réflexion raisonnable de 2 semaines environ devra être accordé au patient avant d’entreprendre le traitement, sauf en cas d’urgence.


Le devoir d’information apparaît comme un élément fondamental dans les procédures récentes, ce qui est le cas pour la mise en charge précoce, la temporisation immédiate ou la mise en charge immédiate

Or, comme chacun le sait, c’est au praticien de faire la preuve qu’il a rempli son devoir d’information depuis l’arrêt de la Cour de Cassation de Février 1997.

Il est évident que l’on ne peut enregistrer en vidéo l’ensemble de nos consultations.

La preuve de l’information va donc, sur un plan pratique, être apportée par plusieurs éléments.

En premier lieu par les notes inscrites sur la fiche médicale du patient lors des consultations précédant la mise en œuvre du traitement. En effet, si deux ou trois rendez-vous sont consignés sur la fiche médicale, on peut légitimement penser que des explications ont été données au patient.

Ensuite, un pan de traitement détaillé, étape par étape avec la durée prévue pour chaque étape est également un élément de preuve. Ce plan de traitement peut comporter plusieurs options thérapeutiques.

Les courriers éventuels aux correspondants sont également un élément de preuve, de même que des brochures d’information remises au patient sur les traitements envisagés.

Le patient doit impérativement être informé des différentes options thérapeutiques implantaires avec leurs avantages et inconvénients. Pour ce qui concerne spécifiquement la mise en charge immédiate, il est fondamental de noter par exemple que le patient refuse de façon catégorique le port d’une prothèse provisoire adjointe, ce qui est susceptible de justifier le choix de mise en charge immédiate des implants, sous réserve que les conditions médicales et biomécaniques soient remplies.

Le patient doit également être clairement informé d’une part des contraintes liées à cette option thérapeutique comme une alimentation liquide ou semi liquide pendant une durée déterminée, et d’autre part sur les taux de succès des différentes options.

Je recommande, pour ma part, que les consignes concernant l’alimentation après la pose de la prothèse soient rédigées sur un document écrit et remis au patient.

En effet, j’ai pu constater au cours d’expertises judiciaires consécutives à un échec que le patient affirmait que le praticien ne lui avait jamais donné des consignes concernant l’alimentation après mise en charge immédiate des implants.

Enfin le devis clair, compréhensible constitue également une preuve de l’information.

Une fois en possession de tous ces éléments concernant le traitement proposé, son coût précis et global et les traitements alternatifs possibles dans son cas, le patient est en mesure de donner son consentement éclairé.

Il est hautement souhaitable de formaliser ce consentement par un document signé par le patient. Voir modèle ci-joint Missika Bert.

Une question concernant le devis fait toujours partie de la mission d’expertise qui stipule :


« Vérifier si un devis des travaux a été signé entre les parties ; rechercher de quel délai a disposé le demandeur pour accepter le devis proposé ; vérifier si un devis a été expressément accepté ; apprécier le montant des honoraires réclamés par rapport à ceux usuellement pratiqués, en région parisienne et dans une situation géographique voisine, pour des soins analogues effectués par un praticien de même notoriété. »

Un grand nombre de praticiens sont réticents à proposer à leurs patients un devis écrit et encore plus réticents à le faire signer.

Pourtant, le devis est une obligation incontournable définie dans la convention avec les caisses d’assurance maladie pour tout acte inscrit à la nomenclature mais faisant l’objet d’un dépassement d’honoraires, par exemple les actes de prothèse avec entente directe, et pour tout acte dit hors nomenclature, traitement de parodontie ou d’implantologie .

Les conflits portent souvent sur l’échec du traitement implantaire, mais il faut reconnaître que, derrière ce conflit, apparaît une contestation des honoraires réclamés par le praticien.

Il apparaît comme une évidence que la production d’un devis clair, détaillé et signé par le praticien et par le patient, constitue le moyen le plus sûr d’éviter un conflit sur les soins concernés par le traitement et le montant des honoraires correspondant.

Dans le cadre de l’expertise judiciaire, un patient ayant signé un devis clair et détaillé aura des difficultés à convaincre l’Expert qu’il n’était pas d’accord avec le traitement réalisé ou avec le montant des honoraires.

Les magistrats sont également attentifs au délai dont a disposé le patient pour accepter le traitement proposé, surtout s’il s’agit d’un traitement prothétique important faisant appel à des implants.

Les magistrats considèrent qu’un délai de 2 semaines est raisonnable, sauf situation d’urgence bien entendu.

Il est évident que le traitement d’un patient édenté complet par pose chirurgicale d’implants et une prothèse implanto-portée ne constitue en aucun cas une situation d’urgence !

En revanche une fracture radiculaire justifiant l’extraction et la mise en place d’un implant peut constituer une situation d’urgence.

Les magistrats demandent à l’Expert d’apprécier le montant des honoraires réclamés par rapport à ceux usuellement pratiqués, en région parisienne et dans une situation géographique voisine, pour des soins analogues effectués par un praticien de même notoriété.


Cette nuance indique clairement que les magistrats considèrent qu’il est normal qu’un praticien expérimenté et titulaire de diplômes montrant une plus grande compétence dans une discipline de l’art dentaire, parodontie, implantologie ou prothèse, peut légitimement réclamer des honoraires plus élevés qu’un jeune praticien tout juste diplômé de la Faculté.

Les magistrats souhaitent que l’Expert tienne compte de la région d’exercice car les frais ne sont pas identiques selon la localisation du Cabinet dentaire.

On arrive à la question essentielle, celle de savoir si les actes et soins ont été consciencieux, attentifs, diligents et conformes aux données acquises de la science médicale.


L’Expert doit donc donner son opinion et la justifier sur la qualité des soins.

On entend par soins diligents le fait pour le praticien de prendre en compte rapidement une complication par exemple infectieuse ou hémorragique après la pose des implants, ou bien des problèmes liés à la survenue d’une mobilité de prothèses mises en charge immédiatement lors de la pose des implants.

A contrario, n’est pas considéré comme un soin diligent, le fait de faire transmettre une réponse téléphonique par son assistante à un problème urgent pour le patient.

L’Expert doit indiquer si les choix thérapeutiques entrent dans le cadre des « données médicales avérées » selon la terminologie définie dans la loi Kouchner du 4 Mars2002, pour évoquer ce que l’on nommait jusqu’alors «données acquises de la science médicale », ce dernier terme étant encore couramment employé dans la majorité des missions d’expertise.

On comprend aisément que les praticiens auront intérêt à utiliser des moyens thérapeutiques ayant fait leurs preuves et éviter ceux obsolètes, marginaux ou d’avant-garde qui n’ont fait l’objet d’aucune étude clinique ou de publication scientifique.

Il faut noter qu’ un ouvrage de référence intitulé Recommandations de bonnes pratiques co écrit par Patrick Simonet Patrick Missika et Philippe Pommarède en collaboration avec de nombreux auteurs analyse les thérapeutiques conformes aux «données acquises de la science médicale ».

On peut également indiquer des pistes de réflexion.

Tout d’abord, il est des techniques qui de toute évidence ne font plus partie des «données acquises de la science médicale » comme les implants aiguilles de Scialom ou les implants juxta osseux.

Ensuite, on peut dire que pour qu’une technique fasse partie des «données acquises de la science médicale », il faut :

  • qu’elle ait fait l’objet d’études cliniques
  • qu’elle ait fait l’objet de publications scientifiques dans des revues à comité de lecture
  • qu’elle soit enseignée dans des Facultés de chirurgie dentaire
  • qu’elle fasse l’objet d’un consensus de la communauté scientifique, ce dernier point ne paraissant pas facile à mettre en évidence tant sont nombreuses les divergences de point de vue.


Pour éviter toute ambiguïté, il convient de distinguer une notion voisine que sont les données actuelles de la science médicale qui diffèrent sensiblement des données acquises.

Il faut ajouter qu’il n’existe donc pas de « position expertale » c'est-à-dire commune à tous les Experts vis-à-vis des traitements odontologiques mais qu’il existe une analyse et le point de vue d’un Expert qui a été désigné par le Tribunal.

Une concertation informelle des Experts judiciaires compétents en implantologie a permis de dégager une analyse commune.

Ces Experts considèrent :

  • Que la mise en charge immédiate d’implants à la mandibule dans le cadre du traitement de l’édentement total, à la condition que tous les implants soient reliée entre eux est une technique conforme aux données acquises de la science médicale. •
  • Que la mise en charge immédiate des implants unitaires au maxillaire ne fait pas partie des acquises de la science médicale.


Il faut garder à l’esprit que, en cas d’échec, le patient souvent habilement conseillé par un nouveau praticien, va développer une argumentation basée sur les affirmations suivantes :

  • « Je n’étais pas complètement informé des risques liés à cette technique récente »
  • « Je n’ai jamais demandé un traitement rapide, c’est l praticien qui me l’a imposé »
  • « J’ai finalement été victime d’une perte de chance »


Il faut noter de plus, que lorsque la mise en charge immédiate d’un implant conduit à un échec et donc à sa dépose, et que le praticien remet en place un implant 2 à 6 mois plus tard, cet implant est le plus souvent mis en nourrice, ce qui revient à dire que cette technique est considérée comme plus fiable.

Dans le cas contraire, ce même praticien réaliserait à nouveau une mise en charge immédiate lors de sa seconde tentative !

En conclusion, le concept de « données acquises de la science médicale » même si certains éléments de réflexion permettent de le cerner, ne fait pas l’objet d’une définition précise non ambiguë et laisse la place à des interprétations et des analyses qui peuvent varier d’un Expert à l’autre.

Ce n’est donc qu’à travers la jurisprudence que l’on peut définir de façon indiscutable si un traitement a bien été réalisé selon « les données acquises de la science médicale ».

On peut retenir enfin que les cas cliniques qui font l’objet d’assignation judiciaire sont le plus souvent des cas qui n’ont pas été traités selon la méthodologie académique décrite précédemment et qui ont abouti à un échec prévisible.

Une formation sérieuse en implantologie constitue la démarche raisonnable pour éviter les échecs et les procédures.

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